PAROLE DE CHERCHEUR

Jean-Michel Passerault, coordonnateur du Pôle Universitaire de Niort, assure la responsabilité scientifique d’un des programmes du Contrat de Plan Etat-Région (CPER) 2015-2020.

Qu’est-ce qu’un programme CPER au niveau de la recherche ?
Le CPER est un document par lequel l’État et la Région s’engagent sur la programmation et le financement pluriannuel de projets. Son volet recherche comprend 6 programmes dont le programme INSECT (Innovation Sociale Economique et Culturelle dans des Territoires en mutation) dans lequel des enseignants-chercheurs de l’IRIAF sont parties-prenantes.

Comment s’est monté le programme INSECT ?
Responsable d’un programme du CPER précédent, l’Université de Poitiers m’a demandé de mobiliser les bonnes volontés du secteur des sciences humaines et sociales : les laboratoires ont répondu présent, des chercheurs se sont impliqués, la MSHS a permis la coordination… et, au final, le programme a été inscrit au CPER pour 1,6 M€ (hors financements européens). Le programme représente donc une reconnaissance très forte pour les SHS.

Quels sont les axes du programme INSECT ?
Le premier axe traite des dynamiques sociales et territoriales en Poitou-Charentes. Le second vise à l’amélioration de l’accès à la réussite scolaire, à l’insertion professionnelle et à la santé. Le troisième axe traite des impacts juridiques, éducatifs et culturels de la numérisation des données

EVENEMENT

Le mois de décembre sera marqué par un évènement important pour les enseignants-chercheurs de l’IRIAF, membres de l’Institut Pprime et réalisant leurs travaux de recherche dans le domaine de la sécurité. Un doctorant soutiendra en effet sa thèse de doctorat le 18 décembre.
Fabien Hermouet (diplômé de l’IRIAF) a réalisé sa thèse dans le cadre d’un partenariat avec le Laboratoire National de métrologie et d’Essai et le Centre d’Etude des TUnnels. Son sujet concerne le développement d’un modèle de simulation numérique de la décomposition thermique et de la combustion des matériaux représentatifs des véhicules transitant au sein des tunnels.
Ce modèle innovant tient compte des spécificités des conditions de feux rencontrées au sein de ces ouvrages.
Bonne soutenance à lui.

 

UN REGARD SUR... LA DÉPENDANCE

Le risque dépendance correspond à un état de santé d’une personne âgée qui nécessite le recours à un tiers pour accomplir les actes simples de la vie quotidienne (cf. Encadré 1). Dans un contexte de vieillissement de la population, de baisse de la fécondité et d’augmentation de la prévalence de l’incapacité sévère parmi les personnes âgées, la prise en charge de la dépendance nécessite des financements de plus en plus conséquents (cf. Encadré 2) et constitue un problème sociétal majeur pour les pays développés.

Encadré 1

Le concept français de dépendance est différent du concept anglo-saxon de « Long Term Care » qui fait référence à des soins de longue durée. De plus, en France, le risque dépendance est lié à l’âge, seules les personnes de plus de 60 ans pouvant être déclarées en situation de dépendance. Avant cet âge, elles sont considérées, par les institutions publiques, comme des personnes handicapées.

Face à ces besoins de financement, le risque dépendance se démarque par l’implication potentielle des trois acteurs spécifiques : l’Etat, le marché privé de l’assurance et la famille. Malgré de nombreuses réflexions et de débats animés, portés à la fois par des académiques et des praticiens, il n’existe pas à ce jour de vision unitaire et convergente, ni sur la répartition, ni sur la nature des interactions entre ces trois acteurs permettant un financement soutenable du risque dépendance. Ainsi, en soulignant cette divergence des systèmes de prise en charge de la dépendance, quatre modèles se distinguent. Le modèle « libéral » se fonde prioritairement sur le marché, puis par la famille (Etats-Unis, Royaume-Uni). Le modèle « familialiste » se fonde principalement sur la solidarité familiale, comme illustré par l’existence d’une loi d’obligation alimentaire (Italie). Le modèle « corporatiste » repose sur la solidarité professionnelle. Le risque dépendance est conçu comme un risque social auquel correspond une assurance sociale (Allemagne). Le modèle « social-démocrate » se fonde enfin sur le principe de citoyenneté. Chaque citoyen a des droits sociaux incluant un ensemble de services publics qui permettent de répondre à ses besoins en cas de perte d’autonomie (Danemark, Pays-Bas, Suède). Cette typologie illustre la grande diversité dans la répartition financière de la prise en charge du risque dépendance : impôt, cotisation sociale, paiement d’une assurance privée, aide familiale, reste à charge pour la personne dépendante.


Encadré 2

Si l’on prend l’exemple de la France, le coût de la dépendance pour les finances publiques est estimé entre 1.5 et 1.91 points de PIB en 2040 (contre 1.22 point de PIB en 2011). Les coûts moyens pour un individu dépendant sont estimés à : 139 200 euros pour un individu qui vit 4 ans en situation de dépendance dans une maison de retraite en Ile-de-France (2 900 euros par an), 86 400 euros pour le même individu restant à domicile, 208 000 euros pour un individu qui vit 6 ans en situation de dépendance lourde en institution spécialisée en Ile-de-France, 38 1600 euros pour le même individu restant à domicile. Le reste à charge moyen pour l’individu est estimé à 1 600 euros par mois.

Les études internationales montrent que les coûts liés au risque dépendance sont principalement financés par les dépenses publiques (en moyenne 1,2% du PIB dans un groupe de 25 pays de l’OCDE en 2008). Cependant, les écarts entre ces pays sont très importants en raison de besoins différents, de services publics organisés différemment et de différents niveaux de prestations sociales. La famille joue également un rôle important dans le financement du risque dépendance. Dans tous les pays européens, les transferts entre générations, en termes de temps et d’argent, sont importants. Ce type d’aide informelle est basé sur les relations familiales, sur la capacité et la volonté des personnes qui aident à fournir un soutien. Plusieurs facteurs peuvent influencer la quantité et l’organisation de l’aide informelle, tels que la dénucléarisation de la famille, l’éloignement géographique, le travail des femmes, les taux de fécondité, le montant de l’héritage et le niveau du financement public ainsi que les prestations d’assurance privées. Il est aussi généralement admis que cette aide informelle a un coût temps et monétaire et des répercussions sur la vie professionnelle et personnelle et sur la santé de la personne aidante. Enfin, le marché de l’assurance privée du risque dépendance joue un rôle de financeur dans divers pays à des degrés très différents. La France et les Etats-Unis représentent les deux marchés les plus importants pour l’assurance dépendance volontaire. En 2010, environ 15% de la population française âgée de 40 ans et plus et 10% de la population américaine âgée de 60 ans et plus avaient une assurance. La taille du marché semble relativement faible en comparaison avec le niveau très important des dépenses associées. Ce manque de développement de l’assurance dépendance peut être expliqué par les spécificités des facteurs d’offre (incomplétude de l’offre assurantielle) et de demande (myopie de l’individu, altruisme familiale).
Nos contributions se proposent d’alimenter les débats portant sur les modalités de prise en charge du risque dépendance. Nous examinons ainsi l’efficacité relative des solutions alternatives de financement de la dépendance correspondant à des modèles sociaux spécifiques, à savoir la solidarité nationale d’un côté et la capitalisation individuelle de l’autre. En soulignant les limites d’un financement exclusif, porté par un seul financeur, nos réflexions s’orientent vers des solutions mixtes de financement et sur un rôle spécifique de l’Etat, apte à valoriser les interdépendances entre les différents acteurs concernés.
Dans le même registre d’un système mixte de prise en charge de la dépendance s’appuyant sur un rôle fondamental de l’Etat, nous développons une analyse de l’impact de la structure des aides publiques et des aides informelles sur la nature des interactions stratégiques entre parents et enfants au sein de la cellule familiale. Ces études se proposent d’analyser dans quelle mesure la structure des aides publiques accordées par l’Etat peut être capable d’engendrer des complémentarités stratégiques entre le parent dépendant et l’enfant aidant, permettant ainsi une meilleure prise en charge de la dépendance. Plus précisément, en distinguant divers types d’aides publiques (notamment les aides exogènes ne prenant pas en compte le degré de dépendance et les aides endogènes qui sont conditionnées par le degré de dépendance ainsi qu’éventuellement par le montant de l’indemnisation reçue de la part de l’assureur), nous examinons les incitations du parent et de l’enfant à renforcer simultanément leurs décisions de prise en charge de la dépendance. Nous identifions ainsi des configurations hybrides de prise en charge de la dépendance supposant la convergence des efforts entre les trois acteurs concernés, à savoir l’Etat, l’individu exposé au risque dépendance et sa famille.

Jean-Marc Bascans et Cornel Oros

Quelques travaux des enseignants-chercheurs de l’IRIAF sur la question

« Risque dépendance et couverture familiale : quels effets des coûts sociaux de l’aide informelle », JM BASCANS – C. OROS, Revue Assurances et Gestion des Risques, Mars-Juin 2015, Vol 82 (1-2).
« Incidence du mode de financement du risque dépendance sur le comportement de consommation et d’épargne », JM. BASCANS – C. OROS, Economies et Sociétés, Hors-Série, n°45, 5/2012, pp. 991-1015.
« Le marché de la dépendance, un enjeu économique », Document de recherche du CRIEF, JM. BASCANS, N°M2010-05, 2010.
« Means-tested public support and the interaction between long-term care insurance and informal care”, JM.BASCANS – C. COURBAGE – C.OROS, Miméo.

ISSN 2495-3369

Directeur de publication Jean-Marc Bascans

Contact mail iriaf-com@univ-poitiers.fr


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