PAROLE DE CHERCHEUR

Benjamin Batiot est Maitre de Conférences en génie des procédés (62ème section) à l’IRIAF depuis septembre 2016. Il est également chercheur au sein de l’Institut Pprime (UPR 3346 du CNRS), Université de Poitiers et ISAE-ENSMA.
GR : Sur quels thèmes portent vos recherches actuelles ?
BB : Elles portent sur les feux et le développement des incendies. Elles concernent deux aspects : le développement de modèles mathématiques pour représenter le comportement du solide lors des incendies et l’implémentation de ces modèles dans des codes de simulation numérique ; l’étude des phénomènes thermiques se produisant dans les gaz (inflammation, explosion…) et des interactions entre la phase gazeuse et la phase solide.
GR : En quoi vos travaux de recherche contribuent-ils à enrichir votre pratique pédagogique ?
B.B : Il y a une complémentarité entre ces deux activités. En effet, je suis amené à enseigner différentes disciplines sur lesquelles je travaille en recherche, notamment dans le cadre de l’option incendie du Master 2ème année MRIE. Ainsi, l’avancée de mes travaux de recherche concourt à une évolution et à un enrichissement constant de mes enseignements. Le retour des étudiants me permet également d’identifier parfois des pistes de recherche.
GR : Vous avez été sollicité à diverses occasions pour apporter votre expertise auprès des sapeurs-pompiers. Quelle est la finalité des travaux que vous avez menés ?
B.B : Je suis intervenu auprès des sapeurs-pompiers à deux niveaux. Le premier en participant directement aux formations des formateurs incendies, en tant qu’intervenant. Le second par la réalisation de campagnes expérimentales, en caisson d’entrainement des sapeurs-pompiers puis au sein de logements, afin d’acquérir des données nécessaires pour la formation des pompiers, leur sécurité, mais également pour enrichir nos travaux de recherche.

EVENEMENT

Ce printemps, l’IRIAF et le Centre de Recherche sur l’Intégration Economique et Financière (CRIEF) organisent une journée d’étude consacrée à la dépendance. Chercheurs et acteurs de terrain échangeront autour des questions liées à la fragilité des seniors, à la prise en charge de la perte d’autonomie et à la dépendance. L’objectif est de dresser un état des lieux et d’esquisser des éléments de prospective sur cette question sociétale cruciale. Cette manifestation est ouverte aussi bien aux chercheurs qu’aux professionnels de la santé. Elle s’inscrit dans le programme des journées d’étude en économie de la santé organisées régulièrement depuis 2013 par l’IRIAF et le CRIEF.

UN REGARD SUR... LA SÉCURITÉ INCENDIE EN HABITAT DOMESTIQUE

La problématique des incendies urbains est récurrente, de grands feux sont encore aujourd’hui à déplorer (Mairie de la Rochelle en 2013, incendies régulièrement observés à Paris chaque année, Fort Mc Murray au Canada en 2016, par exemple).

Au-delà de ces incendies de grande ampleur, la presse nous rappelle régulièrement les enjeux de la sécurité incendie au sein des habitats domestiques. On dénombre en effet 75 000 incendies domestiques en France chaque année, causant 500 décès. La sécurité incendie des habitats domestiques est ainsi un enjeu public majeur. Elle mobilise des enseignants-chercheurs de l’IRIAF et de l’Institut Pprime au sein de la plateforme Hestia, dans le cadre de partenariats locaux (Calyxis, Fondation MAIF, SDIS 79) et nationaux (Laboratoire National de métrologie et d’Essais, Centre Scientifique et technique du Bâtiment).

La mise en place d’études visant à comprendre la phénoménologie de ces feux, à en déterminer les causes d’éclosion ou les caractéristiques de propagation sont des prérequis à toute politique de prévention et de protection face à de tels sinistres. Ces études reposent sur le déploiement de l’Ingénierie de la sécurité incendie, par l’utilisation de logiciels de calculs poussés. Les modèles utilisés doivent être capables de représenter l’ensemble des situations des sinistres afin de prescrire les règles de sécurité les plus performantes. Ces logiciels de calculs numériques (Fire Dynamics Simulator ou Firefoam pour les plus connus et courants) se composent de sous-modèles. Chacun de ces derniers a pour enjeu de « reproduire » et donc de modéliser chaque phénomène prenant place au cours d’un feu.

Rappelons qu’un feu, tel que rencontré ici, se définit par un combustible solide qui, sous l’effet de la chaleur, se décompose thermiquement (pyrolyse) et émet des combustibles volatils. Ces espèces gazeuses se mélangent à l’air présent (comburant) et, si les conditions de mélange combustible-comburant et les conditions thermiques le permettent, l’inflammation a lieu. Les réactions thermiques mises en œuvre engendrent une flamme et libèrent de la chaleur, laquelle permet la décomposition thermique des solides adjacents (dans le cas de l’habitat, des mobiliers et objets proches du feu). La naissance et la propagation du feu exige donc la description, notamment, des phénomènes de décomposition thermique du solide, de transferts de chaleur, au sein du solide, en phase gazeuse, entre la flamme et le solide, de transport des espèces chimiques volatiles (air et produits de décomposition thermique) au sein du solide et en phase gazeuse, de mélange, de turbulence en phase gazeuse, de cinétique chimique et de thermodynamique.

Pour y parvenir, des sous-modèles dédiés sont requis. Toutefois, ces sous-modèles reposent encore souvent sur des hypothèses et des simplifications, qui représentent autant de verrous et de challenges scientifiques sur lesquels travaillent les enseignants-chercheurs de l’IRIAF et de Pprime.

A ce caractère pluridisciplinaire et cette complexité, s’ajoute la spécificité des feux en habitat domestique, à savoir : la très grande taille des habitats et donc des domaines à modélise, et, le caractère multi-pièces (multi-compartiments) des logements.

De plus, chaque feu de local est unique et dépendant :
– des conditions « environnementales » liées au sinistre : ventilation du local (portes ou fenêtres ouvertes ou fermées), conditions climatiques (températures, hygrométrie), etc. ;
– de l’architecture et de l’aménagement du logement (agencement des pièces, situation des ouvrants, isolation) ;
– des matériaux de construction utilisés ;
– des combustibles et donc des ameublements présents, des matériaux qui les composent, de leur forme géométrique, de leur disposition…

Notons enfin que ces situations évoluent au cours du temps (chaises rangées ou pas, porte ouverte ou pas, rangement du logement, par exemple).

Deux questions clés concernant les feux d’habitats sont alors au cœur des recherches actuelles. Elles concernent l’analyse et la compréhension des conditions et mécanismes qui sont à l’origine de la naissance du sinistre, donc de l’inflammation des solides présents, et, de sa propagation, qui représente en fait l’inflammation des matériaux situés à distance ou dans une autre pièce.

C’est là tout l’enjeu des travaux de doctorant de Simon Roblin, qui se sont déroulés dans le cadre d’une bourse CIFRE (Convention Industrielle de Formation par la Recherche) avec Calyxis (Pôle d’expertise des risques). La thèse de Simon Roblin, intitulée « Etude numérique de l’auto-inflammation des solides par Simulation Numérique Directe : application au Polyméthacrylate de méthyle », a consisté, dans le contexte des feux d’habitats domestiques, à établir clairement la phénoménologie d’inflammation des matériaux présents. Elle a été brillamment soutenue le 16 décembre dernier devant un jury scientifique de renommée internationale (Jose Torero de l’Université de Queensland, Bernard Porterie de l’Université d’Aix-Marseille, Arnaud Trouvé de l’Université de Maryland, Bart Merci de l’Université de Gent, sous l’encadrement scientifique de Thomas Rogaume et de Franck Richard).

D’autres travaux sont d’ores et déjà en cours dans la suite de cette étude afin de continuer à améliorer les codes de simulation numérique des incendies, notamment sur la description des phénomènes au sein de la phase solide, sur l’interaction de la flamme avec celle-ci et sur la description de la formation des espèces gazeuses.D’autres travaux sont d’ores et déjà en cours dans la suite de cette étude afin de continuer à améliorer les codes de simulation numérique des incendies, notamment sur la description des phénomènes au sein de la phase solide, sur l’interaction de la flamme avec celle-ci et sur la description de la formation des espèces gazeuses.

Quelques travaux des enseignants-chercheurs de l’IRIAF sur la question

L. Bustamante Valencia, T. Rogaume, E. Guillaume, G. Rein, J.L. Torero. Analysis of principal gas products during combustion of polyether polyurethane foam at different irradiance levels. Fire Safety Journal, vol. 44, issue 7, pp. 933-940, 2009.L. Bustamante Valencia, T. Rogaume, E. Guillaume, G. Rein, J.L. Torero. Analysis of principal gas products during combustion of polyether polyurethane foam at different irradiance levels. Fire Safety Journal, vol. 44, issue 7, pp. 933-940, 2009.
T. Rogaume, L. Bustamante Valencia, E. Guillaume, F. Richard, J. Luche, G. Rein, Development of the thermal decomposition mechanism of polyether polyurethane foam using both condensed and gas phase release data. Combustion Science and Technology, vol. 183, pp. 627-644, 2011.
J. Luche, T. Rogaume, F. Richard, E. Guillaume. Characterization of Thermal Properties and Analysis of Combustion Behaviour of PMMA in a Cone Calorimeter. Fire Safety Journal, vol. 46, pp. 451-461, 2011.
J. Luche, E. Mathis, T. Rogaume, F. Richard, E. Guillaume, High density polyethylene thermal degradation and gaseous compound evolution in a cone calorimeter. Fire safety Journal, vol. 54, pp. 24-35, 2012.
T. Fateh, T. Rogaume, J. Luche, F. Richard, F. Jabouille. Kinetic and mechanism of the thermal degradation of a plywood by using thermogravimetry and Fourier-transformed infrared spectroscopy analysis in nitrogen and air atmosphere. Fire Safety Journal, vol. 58, pp. 25-37, 2013.
T. Fateh, T. Rogaume, J. Luche, F. Richard, F. Jabouille. Modeling of the thermal decomposition of a treated plywood from thermo-gravimetry and Fourier-Transformed Infrared Spectroscopy experimental analysis. Journal of Analytical and Applied Pyrolysis, vol. 101, pp. 35-44, 2013.
B. Batiot, J. Luche, T. Rogaume, Thermal and Chemical analysis of flammability and combustibility of fir wood in cone calorimeter coupled to FTIR apparatus. Fire and materials, vol.38, pp. 418-431, 2014.
T. Fateh, T. Rogaume, F. Richard, Multi-scale modelling of the thermal decomposition of plywood. Fire Safety Journal, vol.64, pp.36-47, 2014.
T. Fateh, T. Rogaume, J. Luche, F. Richard, F. Jabouille. Characterization of the Thermal Decomposition of two kinds of plywood with a cone calorimeter – FTIR apparatus. Journal of Analytical and Applied Pyrolysis, vol.107, pp. 87-100, 2014
D. Marquis, B. Batiot, E. Guillaume, T. Rogaume. Influence of reaction mechanism accuracy on the chemical reactivity prediction of complex charring material in fire condition. Journal of analytical and applied pyrolysis, vol. 118, pp. 231-248, 2016.
T Fateh, T. Rogaume, F. Richard, P. Joseph. Experimental and modelling studies on the kinetics and mechanisms of thermal degradation of poly (methyl methacrylate) in nitrogen and air. Journal of Analytical and Applied Pyrolysis, vol.120, pp. 423-433, 2016.
S. Roblin, F. Richard, T. Rogaume, A. Trouve. Identification of the solid fuel auto-ignition characteristics: Direct Numerical Simulation of the PMMA auto-ignition under cone calorimeter configurations. 15th International conference Fire and Materials (FAM), San Francisco – Etats-Unis, fevrier 2017.

ISSN 2495-3369

Directeur de publication Jean-Marc Bascans

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